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La vie à bord
1 janvier 2015

A propos d’une croisière en solo

La Princesse P’timouss me cède la place pour le compte-rendu du trajet entre Ilha de Moçambique (Mozambique, mais oui) et Richards Bay (Zululand; Afrique du sud).

Hélène, Éloïse et Quitterie sont parties de leur côté vers Johannesburg en avion: les Loupettes devaient y attraper un vol vers La Réunion.

Du coup, il avait été convenu qu’Hélène ne reviendrait pas au Mozambique et rejoindrait directement le bateau à Richards Bay.

Longtemps et moi avions donc pour mission de couvrir les 1000 et quelques milles (ça n’a pas été direct…) avant le 26 décembre. Départ en même temps que les Filles, le 15, à 11h30.

Bien entendu, ce jour-là, il y avait 25 nœuds contre nous pour remonter l’ancre. Le guindeau n’étale pas et il faut courir de l’avant au cockpit pour donner de l’avance, du cockpit à l’avant pour remonter, stopper l’avance, remonter, redonner de l’avance… Bref, si j’avais eu un doute sur la différence fondamentale entre le solo dans le vent et les manœuvres en équipage, il a été vite levé: la différence, ben c’est que t’es tout seul.

C’est un constat qui s’impose encore plus crûment quand les conditions restent dures en sortie de baie. Le canal du Mozambique a la réputation d’un plan d’eau bien agité quelles que soient les conditions de vent. En attendant que vous alliez y voir vous-même, je confirme. Du coup, même au portant Longtemps est secoué, les vagues déferlent sur la jupe, les chats font la gueule et une question s’impose au skipper: « heu… Si c’est comme ça tout le temps, je vais faire comment pour dormir? »

C’est un très bon bateau

Et d’un coup, les jours à venir semblent une épreuve peut-être au-dessus de mes capacités. Je ne suis pas un grand marin, même pas un grand navigateur. Il y a forcément des tas de solutions, une attitude et des certitudes pour ce genre de panique. Mais je ne les connais pas. Là, deux heures seulement après avoir quitté Ilha, je ne suis pas sûr de pouvoir le faire.

Pas la peine d’en rajouter: Longtemps et moi, nous l’avons fait. Ça n’était pas si compliqué, finalement. Et ce bateau est magnifique, mon meilleur pote et la maison fragile que les loups des nuits de tempête ne souffleront pas. Depuis trois mois déjà, quand je suis seul de quart et que l’équipage dort, je lui parle (pas à haute voix: je ne suis pas cinglé quand même!) et le touche pour lui faire passer un sentiment qui m’habite depuis quatre ans: j’ai une absolue confiance en lui. Pas seulement lui, notez, j’ai un super équipage, mais ces jours-là, entre Ilha et Richards Bay, il n’y avait que lui et moi.

En navigation c’est pratique parce qu’il y a plusieurs facteurs qui font les conditions. Alors j’ai pu maudire la mer démontée et croisée du canal; le vent en rafales ou absent; le courant perdu puis retrouvé; mes propres décisions - je ne suis pas un grand régatier non plus; le téléphone satellite qui ne fonctionne pas et l’absence de fichiers météo; les chats qui réclament quoi? quand je ne peux pas m’occuper d’eux… Mais jamais, jamais, je n’ai eu une mauvaise pensée pour le bateau. Hé! Sans lui, je coule.

Donc, tout s’est bien passé. Même, j’ai pêché la première dorade coryphène avec Longtemps. Ça fait plaisir, c’est bon et ça n’a pas été compliqué.

Depuis le départ, je n’avais pas mis de ligne à l’eau. Pas trop l’esprit à ça. Des nouilles chinoises pour manger (le matin ou à l’heure qui y ressemblait le plus), des lentilles le soir (ou à l’heure…) ça devait me suffire. Surtout que dans les surfs (pas contrôlés) au portant, à 10 nœuds, je pensais arriver vite.

Et sur un accalmie, un pêcheur est passé me voir. Un beau trawler double coque, bardé de cannes. Conversation VHF: « fantastic day! I caught two marlins this morning! Drop your line! » Bon, devant tant d’enthousiasme, je drop my line. Dix minutes plus tard, à peine le temps de faire chauffer l’eau et de me servir un café, la ligne a sifflé et j’ai vu la dorade. Une petite femelle. De toute façon trop grosse pour les chats et moi. Nous n’avons pas tout mangé.

 

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 Jamais solitaire

Titouan Lamazou, après avoir remporté le premier Vendée Globe, rappelait à quel point les navigateurs des grandes courses en solitaire… Sont les plus accompagnés des marins. Jamais un moment de solitude entre les obligations pour les sponsors et les contacts avec l’équipe technique. Et quand les bateaux modernes foncent à 30 nœuds, les temps libres sont rares… Et bruyants.

Un mal pour un bien: l’incurie d’Iridium m’a privé d’autonomie pour les fichiers météo. Je n’ai jamais été, en fait, seul pendant cette semaine.

Sans donnée satellite ni grande envie de frôler la côte (trop de monde, trop de côtes… Je dors mieux quand je suis tout seul dans un rayon de 20 milles), je ne pouvais pas « faire » ma météo.

Or, dans la zone, la météo, ça compte. Trop de Nord-est, c’est grande vitesse au portant, courant dans les fesses mais des surfs incontrôlables et des empannages tous laids. Sans compter que les routes sont soit trop au large (faut quand même éviter Bassas de India) soit trop vers la terre.

Et quand ça passe au Sud, ça devient bien compliqué: l’opposition entre le courant des Aiguilles et le vent (mini 25 nœuds) lève une mer infernale, croisée, rapide, violente, qui arrête le bateau. Au près ça n’avance pas et il faut rapidement rejoindre des fonds de 20 mètres pour limiter les vagues.

Le temps des sms

Ce sont ces conditions qui ont dominé pendant les dernières 71 heures. En pire puisque les rafales atteignaient plus de 40 nœuds et que pendant trois heures, la nuit de dimanche à lundi, le vent de Sud semblait bien vouloir s’établir à 35 nœuds. Sans sommeil depuis l’avant-veille, ça me fatiguait, cette histoire.

Mais pour en revenir à la météo, nous avons retrouvé avec Hélène l’organisation qui avait fait merveille entre Phuket (Thaïlande) et La Réunion (France): la météo par sms. C’est plus ou moins pratique mais au moins, Iridium acceptait de fonctionner comme ça.

Et ça permet au routeur à terre de dormir aussi mal que le voileux en mer, ce qui n’est que justice. Des fois même, je dois prendre sur moi pour ne pas engueuler Hélène qui refuse de m’annoncer la fin de ce Sud trop fort, ou, quelque jours avant, l’arrivée imminente de vent trop absent. Mais ma Princesse refuse de me mentir, c’est mal. Par ailleurs, côté conneries, les prévisions météo s’en chargent.

Finalement, d’empannage en empannage, le génois s’est enroulé en vrac autour de l’étai. Impossible de l’enrouler complètement et il présente un risque trop grand de fardage au moment d’entrer dans le port. il y a encore 25 nœuds quand je me présente enfin pour embouquer.

Je décide (mais oui, j’en ai fait des erreurs) d’affaler le génois. Il commence à bien s’abîmer et je ne veux pas manœuvrer avec une voile que je ne peux pas ferler.

Ben, c’était peut-être pas une bonne idée: dès le début de la descente, la voile se déchire complètement le long de la ralingue. Voila mon génois qui part sur le côté en tirant le bateau en travers. Je le libère en bas pour le tirer et le ferler avec l’écoute (j’en profite pour me faire bastonner par le claquement): ça s’arrache de partout et voila la voile sous le bateau.

Y a des moments où je suis moins patient que d’autres. A quoi ça tient? La lune, peut-être… Toujours est-il qu’après quelques essais pour remonter la voile avec un winch par l’arrière, quand l’écoute a filé dans l’eau elle aussi, je n’ai pas fait trop d’effort pour la récupérer. Trop de mer, de vent, de pas assez de motivation. Voulais rentrer maison.

Et même la manœuvre bizarre pour enquiller une place pas évidente contre un quai de Richards Bay a paru simple, avec Hélène pour m’aider sur le quai. Elle avait les yeux tous cernés. Je n’ai jamais été seul.

 

longtemps arrive a RB

 

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Commentaires
M
J'adore tes écrits Pil ! Tu aurais du faire journaliste....hahaha ! ;-)<br /> <br /> Bravo, le rendu est génial, parlant, vivant, comme si on y était. <br /> <br /> Pour le génois, je n'ai pas bien compris. Les empannages successifs ont eu raison de la couture voile/ralingue ? Tu n'aurais pas pu faire grand chose pour la remonter....une voile à la mer...faut être Ulk pour réussir, quelle que soit la taille du winch ;-) - Bravo marin ! :-)
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